L’abattage du cochon à Majorque
Je me souviens que, quand j’étais enfant, à l’arrivée de l’hiver, nous allions chez mes oncles à Petra pour participer à la festa de matances, la fête qui célèbre l’abattage du cochon à Majorque. Un événement important et très attendu par tous les habitants du village. Traditionnellement, ce n’était pas seulement un moment de réunion familiale, mais cela représentait aussi la possibilité d’avoir de la viande et de la charcuterie pour affronter l’hiver.
Début de la journée de l’abattage du cochon à Majorque
L’événement commençait très tôt, avant même le lever du jour. Nous nous sommes réveillés à l’aube, au cri du cochon. Au même moment, et pendant des heures, nous avons entendu chanter les coqs de la région annonçant le jour.
Abattage
Les hommes les plus forts saisissent l’animal sur la table d’abattage. D’autres fois, ils le suspendent la tête en bas à un crochet. Le boucher cherche à lui donner une mort rapide tout en vidant l’animal de tout son sang. Rien n’est gaspillé, et le sang est conservé dans un récipient en terre cuite pour être utilisé plus tard dans la préparation du frito et des butifarrones.
La peau du porc est nettoyée avec beaucoup de soin, à l’aide d’un feu et d’une pierre ponce ou d’un outil plus abrasif, ainsi que d’eau chaude. Le corps de l’animal est découpé de manière systématique et chaque partie sera utilisée à des fins spécifiques.
Le banquet
En milieu de matinée, pour récompenser ceux qui ont travaillé et aussi les invités, la cuisinière prépare le frit de matances. Ce plat savoureux, typique de cette journée, est préparé avec de la viande maigre, du lard, du foie, des poumons, du cœur, des pommes de terre frites, de l’ail, des poivrons rouges, du piment, de l’huile, du sel et du laurier. Elle prépare également des boulettes de viande, que j’ai moi-même préparées plus d’une fois. Un verre de liqueur de Palo ou d’herbes rend le reste de la journée de travail plus supportable et plus agréable.

L’enfance participe
Les enfants finissent par courir pour éviter qu’on leur accroche la queue du cochon avec une épingle à l’arrière de leurs vêtements. La plupart du temps, c’est le plus jeune membre de la famille qui se retrouve avec la queue dans le dos. Pendant ce temps, les enfants rient des blagues des adultes ou aident au travail, qui doit être terminé rapidement.
Nettoyage des boyaux
Les tripes de l’animal sont plongées dans de l’eau très chaude, après avoir été vidées et soigneusement nettoyées.
Préparation de la soubressade
Après avoir haché la viande et le lard de l’animal et ajouté les épices et le sel, les bras les plus forts mélangent le tout jusqu’à obtenir une pâte homogène. Je me souviens à quel point j’étais impressionné de voir les bras couleur paprika lorsqu’ils retiraient leurs mains de la pâte.
La maîtresse de maison fait frire un peu de soubressade dans une poêle afin de vérifier l’assaisonnement en sel, paprika et piment avant de donner son accord.

On laisse reposer le mélange avant de le mettre dans les boyaux, puis on suspend les différentes saucisses à des cannes dans le séchoir familial, une pièce aérée de la maison qui sert uniquement à cet usage.
Autres charcuteries
Les butifarrones ou botifarrons sont préparés à partir d’un mélange de viande, de sang et d’épices, puis cuits pendant un certain temps avant d’être suspendus pour sécher. Ils sont prêts à être consommés le jour même.

Les sobrasadas plus fines, appelées longanizas ou llonganissas, peuvent être consommées après quinze jours d’affinage. Elles sont généralement grillées au charbon de bois et accompagnées d’un morceau de pain. Plus la sobrasada est épaisse, plus elle nécessite un temps d’affinage long. La rissada, la bufeta, la poltrú, la culana et la plus grosse, la bisbe, qui peut atteindre 30 kg.
Le camaiot est préparé en farcissant des morceaux de peau de porc et des jambons avec différentes viandes de porc. Après les avoir fait bouillir, en prenant soin de ne pas casser le fil de couture, ils sont prêts à être dégustés.
Le surplus de saindoux est conservé dans des bocaux en verre afin d’en disposer toute l’année. Ils conservent également du lard et des os salés, qui serviront d’ingrédients dans divers plats typiques de Majorque.
La tuerie du cochon à Majorque permet de remplir les placards et procure aux participants la satisfaction de perpétuer une tradition qui nous identifie en tant que peuple, sans compter bien sûr le plaisir personnel que procure cette réunion familiale.

Si vous souhaitez connaître l’origine de la soubressade de Majorque, suivez le lien : Origine de la soubressade
Origine de la soubressade